La COULEUR au CINEMA
La couleur au cinéma ou l’aventure de TECHNICOLOR
De tout temps, et dès le début du cinéma, quelques producteurs ont pensé que la couleur serait susceptible d’apporter quelque chose en plus. C’est ainsi que dès 1900, MELIES a colorié certains de ses films.La coloration au pinceau ou au pochoir a été la première étape du cinéma en couleur.

Il a fallu des années d’efforts, une inventivité débordante et une bonne dose de persuasion, pour imposer la production de films en couleur et remporter l’adhésion des producteurs et le succès auprès des spectateurs.
HOLLYWOOD n’est vraiment pas enclin à changer une recette gagnante or à l’aube des années 20, le noir et blanc faisait salles combles.
L’une des maximes qui a fait la fortune d’HOLLYWOOD :
Tant que ça fonctionne, surtout ne rien changer !
Herbert KALMUS, l’un des pères fondateurs de TECHNICOLOR en 1915, croyait dur comme fer que la couleur allait révolutionner le monde du cinéma, mais contrairement à ses attentes, le démarrage fut des plus laborieux.
La couleur au cinéma fut tout sauf un long fleuve tranquille.
Ce fut un long processus, laborieux, jalonné de résultats incertains, de déceptions et de désillusions avant d’obtenir le succès et la reconnaissance.

Ce film a été réalisé avec un procédé additif 2 couleurs, le TECHNICOLOR 1.
La prise de vue faisait appel à une caméra 8 perforations à objectif unique et prisme séparateur enregistrant une double image au travers d’un filtrage Rouge et Vert.
(On retrouvera ces caméras 8 perforations plus tard avec le VISTAVISION de PARAMOUNT)
Ce procédé utilisant des négatifs et positifs Noir et Blanc, ne nécessitait pas de travaux supplémentaires en laboratoire par rapport à un film ordinaire en Noir & Blanc.
En procédé bichrome on n'a jamais utilisé plusieurs négatifs. On a toujours utilisé un négatif unique enregistrant simultanément les 2 images au travers d'un prisme.
A - Le procédé bichrome TECHNICOLOR 1
A la prise de vue, captation de 2 images tête bèche sur 8 perforations en N & Blc avec filtrage rouge / vert
A la projection, superposition des 2 images N & Blc filtrées rouge et vert pour obtenir une image "colorée"
Le TECHNICOLOR 1 était un procédé additif 2 couleurs faisant appel à une caméra double image fonctionnant sur 8 perforations qui enregistrait simultanément deux images sur un négatif noir & blanc unique, l’une filtrée en rouge et l’autre en vert par l’intermédiaire d’un prisme séparateur et d’un seul objectif.
A la projection le procédé TECHNICOLOR 1 nécessite un projecteur spécial capable de projeter simultanément les 2 images au travers de filtres colorés.
Indépendamment d’un projecteur spécial, la superposition par un prisme des 2 images filtrées demandait des réglages difficiles et complexes.
A la même époque, voire un peu avant, en Angleterre, le KINEMACOLOR faisait son apparition avec le film “The Glorious Adventure”.
Le KINEMACOLOR est également un procédé bicolore additif, mais, contrairement au TECHNICOLOR, le procédé utilisait une caméra standard qui enregistrait les 2 vues filtrées en rouge et en vert successivement.
Le délai dans le temps entre les deux images provoquait des dédoublements de couleur dans les mouvements.
Avec un point de vue unique et un seul objectif TECHNICOLOR s’affranchissait des problèmes insurmontables de parallaxe inhérents à l’utilisation de 2 objectifs et au problème de délai dans le temps dû à la prise de vue d’images successives.
Du fait de la complexité de projection, le procédé TECHNICOLOR 1 sera vite abandonné au profit du procédé TECHNICOLOR 2 à synthèse soustractive bichrome mise au point en 1920 par Herbert KALMUS qui aura beaucoup de peine à convaincre les producteurs de filmer en couleur.
Il lui faudra attendre 1922 pour qu’il voit son rêve partiellement se réaliser.
B - Le procédé bichrome TECHNICOLOR 2
Le TECHNICOLOR 2 est un procédé bichrome à synthèse soustractive.
Pour la prise de vue, le procédé TECHNICOLOR 2 fait appel à la même caméra à 2 images filtrées que précédemment, mais diffère totalement en matière de projection et de copie d’exploitation.
A la projection la copie d'exploitation est constituée de 2 positifs, l'un viré rouge & l'autre vert, collés dos à dos
Avec le TECHNICOLOR 2, le négatif double image filtré rouge et vert, donne naissance à 2 positifs N & Blc qui sont colorés l’un en rouge et l’autre en vert et collés dos à dos formant ainsi la copie d’exploitation couleur.
Une solution assez fragile qui présentait un certain nombre de problèmes du fait du collage et de la double épaisseur de la copie.
Le premier film tourné avec le procédé TECHNICOLOR 2 fut “The Toll of the Sea” réalisé par Chester FRANKLIN. Un film distribué par la MGM et présenté au public à New York en novembre 1922.
Ce fut le premier succès de la société TECHNICOLOR.
A cette époque, les films étaient en Noir et Blanc la couleur n’intervenant que pour quelques inserts et séquences clés du film.
Ne tourner que de séquences isolées ne correspondait pas vraiment aux souhaits d’Herbert KALMUS qui voulait tourner des films complètement en couleur, mais dans les années 20, les majors étaient difficiles à convaincre et ni TECHNICOLOR ni aucun de ses concurrents d’ailleurs n’arrivèrent à enflammer l’industrie cinématographique pour la couleur.
Le premier film complètement en couleur :
En novembre 1923, LASKY de la PARAMOUNT signe un accord avec TECHNICOLOR pour la réalisation d’un grand western qui serait pour la première fois un film complètement en couleur : “The Wanderer of Wasteland”.
Les conditions pour TECHNICOLOR étaient draconiennes : Budget équivalent à un tournage en Noir & Blanc, pas de temps supplémentaire de tournage et aucune autre concession.
Ce fut la première chance pour TECHNICOLOR de prouver que l’on pouvait réaliser un film entier en couleur !
175 copies furent tirées et diffusées à travers les Etats Unis.
Même si ce film a été bien accueilli, les idées reçues ayant la vie dure, TECHNICOLOR n’avait pas pour autant gagné la partie, et dans les années qui suivirent, le procédé TECHNICOLOR 2 n’a été utilisé que pour tourner partiellement une douzaine d’inserts et de séquences clés de films toujours principalement tourné en Noir & Blanc.
Les producteurs voulant avant tout limiter les risques financiers, les séquences en couleur étaient sous l’entier contrôle et sous la seule responsabilité de TECHNICOLOR.
Si le résultat n’était pas satisfaisant, les séquences en couleur n’étaient pas montées dans la copie finale
En 1923 Cecil B. de MILLE “autorisa” TECHNICOLOR à tourner quelques scènes de son film “Les X commandements” en couleur.
Seules resteront dans la version finale les scènes de l’exode et de la traversée de la Mer Morte.
Parmi d’autres productions de l’époque on peut citer :
“The Big Parade” (1925), “The Merry Widow” (1925), “The Phantom of the Opera” (1925), “Ben-Hur” (1926), et en 1927, “Le Roi des Rois” de Cecil B. de MILLE.
Herbert KALMUS souhaite passer à la vitesse supérieure et arrive à convaincre Douglass FAIRBANKS en 1926 de tourner “le Pirate Noir” en couleur.
Le film est bien accueilli dès sa sortie, mais les copies d’exploitation collées s’abiment très rapidement et les problèmes s’accumulent.
La double épaisseur de la copie d’exploitation diffusait la lumière et il était compliqué de faire la mise au point entre la couche rouge et la couche verte.
Le fait d’avoir 2 émulsions collées doublait la sensibilité aux rayures et aux scratches.
Il apparaissait clairement que la copie d’exploitation à double émulsion collée ne pouvait qu’être une étape transitoire et devait rapidement céder la place à un procédé plus fiable, moins compliqué et moins onéreux.
Filmer en Technicolor bichrome demeure très coûteux.
La complexité et le coût de fabrication de la copie d’exploitation constituée de 2 pellicules collées, qui de plus s’abime rapidement, étaient un frein à l’expansion de ce procédé.
KALMUS en était certain, pour que la couleur devienne attrayante et exploitable, il fallait un procédé à synthèse soustractive qui permette à un film en couleur d’être projeté dans un projecteur normal au même titre qu’un film en noir et blanc.
C - Le procédé bichrome TECHNICOLOR 3
Le procédé TECHNICOLOR 3 éliminait les gros défauts des copies collées du système TECHNICOLOR 2.
Le TECHNICOLOR 3 utilise des matrices, réalisées à partir des négatifs rouge et vert, pour transférer les teintes sur un film support transparent. Un côté du film est teinté en rouge et l’autre côté en vert.
Les couleurs ne sont qu’approchantes car à 2 couleurs, du fait du manque de bleu, il est difficile d’obtenir une reproduction fidèle à l’original, mais le procédé gagna de la notoriété et TECHNICOLOR augmenta raisonnablement sa part de production de 1928 à 1930.
A cette époque, avec l’avènement du parlant, TECHNICOLOR a ajouté la piste sonore à ses films.
En 1930 avec 15 films en TECHNICOLOR dont 11 intégralement en couleur Warner bros fut le plus gros client.
Avec la grande dépression la production chuta.
En 1933 la Warner produisit le dernier film tourné en procédé bichrome “Mystery of the Wax Museum” réalisé par Michael Curtiz. Le nom de TECHNICOLOR n’apparaissait même pas sur l’affiche.
A la fin de années 20, l’apparition du parlant bien accueilli par le public relégua la couleur au cinéma au second plan.
Le public lassé par un rendu couleur approximatif préférait entendre leurs comédiens préférés s’exprimer que de les voir s’agiter sur l’écran dans des couleurs peu naturelles.
C’est la technologie employée à l’époque qui a fait que la couleur est entrée au cinéma par le biais de la bichromie.
Si l’on travaillait à l’époque en 2 couleurs c’est parce qu’avec la technologie en place il était difficile de traiter plus de 2 couleurs.
Ça ne signifiait pas non plus que les techniciens ignoraient tout des principes fondamentaux de la couleur ni des besoins réels nécessaires pour reproduire une palette complète et naturelle de couleurs.
La copie d’exploitation était obtenue en colorant une face du film en vert et l’autre en rouge. Il était déjà assez difficile de grouper avec précision 2 images de part et d’autre de la pellicule, et comme il n’y avait que 2 faces où donc loger une troisième image qui pourrait être du bleu ?
En travaillant en 2 couleurs, rouge & vert, on avait donc fait une impasse sur le bleu tout en sachant que ce n’était pas parfait, mais on considérait tout de même le procédé 2 couleurs comme raisonnablement convaincant.
L’équipe TECHNICOLOR continua ses recherches et développa une méthode fiable qui permettait "d’empiler" les couleurs d’un seul côté de la pellicule le nombre de couleurs n’étant plus un frein au rendu de l’image.
Ce fut un progrès majeur qui permettait de s’affranchir du système à 2 couleurs et de pouvoir utiliser autant de couleurs que souhaité.
D - Procédé trifilm TECHNICOLOR 4
Pour exposer plus de 2 images simultanément, en 1931 KALMUS se lance dans l’étude et la réalisation d’une caméra trifilm à triple négatif de manière à disposer des 3 couleurs primaires permettant de générer 3 matrices colorées pour le tirage des copies.
Simultanément, en laboratoire on améliore grandement le procédé de transfert des teintes qui était utilisé depuis 1927.
En 1932 la caméra trifilm TECHNICOLOR voit le jour : la caméra type D.
Les 3 positifs, après traitement adéquat, génèrent les 3 matrices qui reçoivent chacune une coloration jaune, magenta et cyan qui sera déposée sur le support vierge par un procédé de transfert assimilable à un procédé d’imprimerie.
La matrice issue du négatif filtré rouge reçoit l'encrage cyan, la matrice issue du négatif filtré vert reçoit l'encrage magenta et la matrice issue du négatif filtré bleu reçoit l'encrage jaune.
Pour augmenter la définition et le contraste, un quatrième passage imprime une certaine densité de noir provenant du négatif filtré vert.
Ces 3 couches colorées sont appliquées successivement sur la pellicule vierge.
Il va sans dire que le repérage des 3 couches est critique et qu’il ne faut pas que les couleurs bavent.
Une image 35 mm projetée sur un écran de 8 m de base subit un grossissement de 380.
A ce stade, un défaut de 1 mm sur la pellicule sera de 38 cm sur l’écran. Autant dire que ce n’est pas anodin et que ce sera franchement visible.
Le repérage des impressions successives devait être meilleur que le dixième de millimètre pour obtenir une projection couleur sans franges colorées. (1/10eme de mm = 38 mm sur l’écran)
Et il a fallu être encore plus précis à partir de 1953 avec l’arrivée du cinémascope qui augmentait le grossissement horizontal par deux.
E - Procédé trichrome TECHNICOLOR 5
Le dernier film tri-bandes a été tourné en 1954.
A partir de 1954 les films sont tournés sur un négatif couleur unique, une pellicule négative Eastmancolor de Kodak.
Ce négatif unique est filtré dans les laboratoires de TECHNICOLOR pour donner naissance aux 3 bandes correspondant aux 3 couleurs primaires nécessaires à la réalisation des matrices d’impression.
Ce procédé sera utilisé jusqu’à la fin des années 70.
Il s’agit du procédé appelé "Color by TECHNICOLOR".
L’un des gros avantages du TECHNICOLOR est sa stabilité dans le temps du fait de son procédé d’impression indépendant d’un traitement argentique peu stable dans le temps.
Dans les années 80 les déconvenues dues au virage des copies monopack couleur Eastmancolor, Fujicolor et d’autres, relancent pour un temps le TECHNICOLOR qui réactive ses laboratoires dans la période 1995 - 2000.
La technique par imbibition

Une pellicule transparente
Traitement par enduction de mordant pour éviter que les teintes ne bavent.
- 1er Etape :
Couchage de la piste son et des barres de cadrage
- pour suivre :
Impression des 3 teintes par imbibition à partir des 3 matrices Cyan - Magenta - Jaune.
Chaque teinte est déposée en passage successif avec un système de positionnement très strict pour garantir la parfaite superposition des images durant les 3 passages.
-Dernière étape : Imprimer un pourcentage de Noir pour augmenter la définiton et le contraste.
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Avec la trichromie, le procédé TECHNICOLOR prend son envol et devient le "GLORIOUS TECHNICOLOR".
Le premier film tourné en TEHNICOLOR 4 trichrome était un court métrage de Walt DISNEY de 1932 : "Flowers and Trees".
Il sera suivi en 1935 par la première fiction en prise de vue réelle : "Becky Sharp", de Rouben MAMOULIAN.
Herbert KALMUS a reçu un oscar en 1939 pour sa contribution au cinéma en couleur. Par la suite il gagnera d’autres récompenses.
Depuis 1960, alors qu’il venait de se retirer, une étoile Herbert KALMUS a fait son apparition sur le "Walk of Fame" d’Hollywood.
Le TECHNICOLOR est un procédé unique. On ne peut pas reproduire le TECHNICOLOR, on peut juste s’en approcher. C’est ainsi, du fait d’une technologie particulière qui n’a plus cours aujourd’hui.
Le TECHNICOLOR permettait d’obtenir des images très saturées mais permettait également de travailler en nuance ou en demi-teinte le TECHNICOLOR avait réponse à tout en matière de coloration de film.
Vous vouliez une atmosphère confinée, une environnement ensoleillé, un effet couleur particulier, dans tous les cas TECHNICOLOR pouvait le faire.
C'est grace à l'acharnement de l'équipe de KALMUS que le cinéma est devenu en couleur. Il a envers et contre tous imposé la couleur au cinema.
Un mot sur le COLOR CONSULTING.
Le vrai cinéma est en Noir et Blanc.
C’est ainsi qu’il est né et a grandi… en Noir et Blanc…
Le Noir et Blanc fait parti de l’ADN du cinéma.
On n’avait pas vraiment le choix, mais de toute manière la vraie réalité des choses c'est le Noir et Blanc.
Alors, quand la couleur est apparue, ce n’était pas vrai.
Ce n’était pas du cinéma !
De plus qu’au départ la couleur étant très approximative était finalement encore moins naturelle que le Noir et Blanc.
D’ailleurs sur les premières affiches, TECHNICOLOR parle de NATURAL COLORS… mais ça n’a trompé personne, ce n’était pas vraiment naturel.
Quand les choses ont commencé à fonctionner, le regard de l’industrie et des spectateurs s’est modifié.
Il était tentant d’exagérer la couleur pour bien faire comprendre que c’était un film en couleur.
Bref il y a eu des exagérations avec des couleurs très saturées qui n’étaient pas forcément du goût des spectateurs d’ailleurs.
Déjà que la couleur n’était qu’approximative, mais en plus si elle était exagérément saturée, on arrivait à une caricature de film en couleur et ça devenait contre-productif.
Pour palier à ces risques, TECHNICOLOR avait dans son escarcelle le COLOR CONSULTING.
C’était l’ex Madame KALMUS, Natalie, qui était consultante couleur au service des productions. Ce service faisait partie du package et était imposé par TECHNICOLOR.
D’un certain côté c’était plutôt rassurant car aucun opérateur, chef opérateur ou réalisateur n’avait d’expérience de la couleur.
On a dit beaucoup de choses sur Natalie KALMUS et toutes n’étaient pas forcément élégantes ni même aimables mais elle a fait de son mieux pour encadrer l’utilisation de cette nouvelle technologie et est apparue au générique de tous les films tournés en TECHNICOLOR pendant près de deux décennies.
Natalie KALMUS était certainement devenue la personne la plus populaire de l’équipe TECHNICOLOR, mais certainement pas la plus aimée.
Le TECHNICOLOR, c'est une formule magique à l'épreuve du temps qui aura fait rêver des générations de spectateurs.
Tous les autres procédés couleur ne peuvent pas en dire autant.
Si le TECHNICOLOR n'avait pas existé, nous serions toujours à l'époque du Noir et Blanc !
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