EQUIPEMENTS CINEMATOGRAPHIQUES

LA PROJECTION

Avant que le cinéma ne soit numérique la projection nécessitait un support physique, en l’occurrence la pellicule, qu’il fallait projeter, au moyen d’un équipement idoine, sur l’écran.
C’était un vrai métier : le métier de projectionniste.
En pénétrant dans une cabine le projectionniste devait vérifier son matériel avant de démarrer la projection.

Première chose, avant de mettre le jus, ouvrir les lanternes pour vérifier que des charbons ne soient pas collés. (C’était une blague relativement courante de projectionniste de coller les charbons à l’attention du prochain opérateur)
Une fois le matériel vérifié, place au film.
En respectant les 3 règles suivantes il n’y a pas de surprise lors du chargement d’un film 35 mm :
- Croix de malte à l’arrêt
- Piste sonore à droite
- Tête en bas…
Et rouler !

Portrait de famille de la gamme de projecteurs VICTORIA de CINEMECCANICA

Un projecteur est un appareil qui comprend plusieurs composants :
- Un pied
- Un chrono, entendez mécanisme de projection
- Un ou plusieurs lecteurs sonores
- Une lanterne.
Avant d’utiliser des lampes sous enceinte étanche tel le Xénon, on utilisait essentiellement des arcs à air libre pour la qualité et l’intensité de la lumière.
Pour ceux qui ne connaissent pas, une lanterne à arc produit une lumière particulièrement intense et blanche issue d’un arc électrique entre 2 électrodes constituées de charbon enduit de cuivre et méché à partir d’un certain diamètre.

Comment fonctionne une lampe à arc ?

Si l’on a défini, de manière conventionnelle, que le courant circulait du + vers le -, ça ne reflète pas ce qui se passe dans la réalité. En effet, dans la réalité, le courant composé d’électrons chargés négativement (e-) apparaissant sur le pôle négatif sont irrésistiblement attirés vers le pôle positif.

Quoi qu’en dise la tradition et les conventions, le courant électrique va bel et bien du – vers le +.

Dans une lanterne à arc à courant continu, le courant part donc du charbon négatif et le flux d’électrons bombarde le charbon positif, en émettant un arc électrique qui dégage une forte intensité lumineuse.

Sous l’effet de ce bombardement d’électrons, le charbon positif se consume en formant un cratère dégageant une intense lumière. Il suffit d’amplifier cette minuscule boule lumineuse par un système de miroir et on obtient une lanterne de projection.

Voilà, c’est tout simple !


Le charbon négatif était à l’arrière et traversait le miroir alors que le charbon positif dont le cratère produisait la lumière, était situé face au miroir, à l’emplacement du premier foyer.
Le second foyer était focalisé entre la fenêtre du film et l'objectif de manière à couvrir le champ nécessaire.

L’arc consomme les électrodes et les charbons s’usent.
Le charbon négatif s’usait en pointe alors que le charbon positif s’usait en cratère. On peut bien en parler à l’imparfait car c’est vraiment une époque révolue.
A la fin de chaque bobine, il fallait mesurer la longueur des charbons et calculer s’il en restait assez pour la bobine suivante ou s’il fallait recharger avec des charbons neufs.

La direction n’appréciait que moyennement le gâchis au niveau des charbons. Il fallait donc prévoir au mieux mais éviter de se retrouver à cours de charbon durant la projection.
Etre en panne de charbon en cours de bobine est une vraie galère, l’intérieur de la lanterne est très chaude, quant au charbon, ils sont brulants. Il est donc difficile de changer des charbons à chaud. De plus pendant tout ce temps, la projection se trouve interrompue et il faut rallumer la salle.

Entre projectionnistes, il nous arrivait parfois de faire des concours, du genre… celui qui utilisera le moins de charbon sans pour autant être obligé d’interrompre la projection en cours.

Bombardement intense plus combustion, le charbon positif s’use plus rapidement que son homologue de l’électrode négative. C’est la raison pour laquelle, de manière à compenser la différence d’usure, le charbon positif est toujours d’un diamètre plus élevé et d’une plus grande longueur que le charbon négatif.

Dans une salle de taille moyenne les arcs travaillaient généralement sous 40 à 60 ampères. Un arc de 40 ampères utilisait des charbons de 6 mm de diamètre pour le négatif et de 7 mm de diamètre pour le positif sous une tension de l’ordre de 35 à 40 V, ce qui représentait une source d’une puissance de l’ordre de 1 500 W.
La quantité de lumière sur l'écran ne dépendait pas exclusivement de l'intensité de l'arc. Le diamètre et la qualité du miroir étaient de première importance. En gros, et pour faire rapide, plus le diamètre était important et plus on "récupérait" de lumière sur l'écran.

Il fallait maintenir l’arc constant et toujours à la même position, c’est à dire au premier foyer du miroir, et ce malgré l’usure des charbons. Un changement de la longueur de l’arc se ressentait immédiatement sur la qualité et la colorimétrie de la lumière et si le positionnement du cratère se déplaçait par rapport au foyer, la luminosité chutait rapidement.
Si l'arc "s'étirait" trop, il s'éteignait et la salle était plongée dans le noir. Pas Bon du tout ça !
Pour compenser l’usure, il existait une assistance : l’avance automatique des charbons. C’était un système purement mécanique et il arrivait de tâtonner un peu avant de trouver le bon réglage d’avance.

Une lampe à arc demande une attention permanente.
Il m’est arrivé une fois de faire toute une bobine (20 minutes) en avance manuelle du fait d’une panne d’entrainement. Dans ces conditions, vous avez les manettes d’avance des charbons et c’est à vous de compenser manuellement l’usure et de vous efforcer de maintenir la bonne longueur de l’arc au bon endroit. Heureusement ces incidents étaient fort rares.

L’arc n’apparait pas spontanément aux bornes des électrodes.
Il faut l’amorcer.

L’amorçage d’une lampe à arc se fait manuellement en court-circuitant les charbons, ce qui crée une décharge de grande intensité et amorce l’arc électrique. Ensuite il faut bien entendu décoller les charbons, sous peine de faire sauter l’installation électrique du cinéma, et les maintenir à la bonne distance pour obtenir une lumière stable et de bonne qualité.
La première fois ça fait tout drôle car au moment du contact la décharge est très violente…après on s’y fait.
Dans les lanternes modernes au Xénon, l’amorçage est électronique.

Le dégagement de chaleur était très intense au niveau de la lanterne et le miroir était le premier élément exposé aux composantes infrarouge de l’émission lumineuse. Pour éviter une élévation de température exagérée des miroirs, un système de verre perméable a été mis au point. Un miroir froid était composé d’un verre perméable aux radiations infrarouges. L’infrarouge n’étant donc pas retenu dans le verre s’échappait à l’arrière en échauffant de manière moindre le miroir. Les miroirs froids se sont généralisés sur les grosses lanternes.


Dans les grandes salles, les arcs pouvaient aller jusqu’à 160 A, voire plus.
Un arc de 160 A sous 60V représente une puissance de 9 600 W. Si ma mémoire est bonne, en bas des Champs ELYSEES dans la salle du MARIGNAN qui accueillait à l’époque 1 800 places, la cabine était équipée d’arc de 150 A.
L’Empire, qui était une plus petite salle, travaillait sous 120 Ampères… avant de devenir studio de télévision et de finir en fumée, mais pas à cause des arcs....