English version >>>

L’OISEAU LYRE

Louise Berta Mosson DYER (19 juillet 1884 – 9 Novembre 1962)

Mécène, Bienfaitrice de la musique et des artistes.
Editrice de musique et de disques, Fondatrice des éditions de l’OISEAU LYRE,
Louise B.M. DYER a consacré toute sa vie à la musique par l’intermédiaire de l’œuvre de sa vie :


Les Editions de l’OISEAU LYRE


Louise à 4 ans, extrait d’un portrait de Tom Roberts – 1888

Je veux espérer que sans encombre l’OISEAU LYRE pourra étendre son vol à travers le temps et l’espace.
(Louise B. M. DYER – 1932)

Que connait-on de ce label pour le moins original, atypique et indépendant, dont le nom et le logo à l’image du ménure d’Australie, sont indissociables du microsillon.
Les éditions de l’OISEAU LYRE, c’est la grande Œuvre de Louise B. M. DYER.
Aujourd’hui encore, DECCA sort des enregistrements sous le label OISEAU LYRE.
Si Louise s’est tellement investie dans le microsillon c’est parce qu’elle y croyait dur comme fer et en s’investissant dans cette technologie, nouvelle à l’époque, elle pensait pérenniser son label et œuvrer à quelque chose qui lui survivrait.
En baptisant le disque microsillon Longue Durée, n’a-t-elle pas signé ses disques de ses propres initiales.
LD comme Longue Durée ? Ou bien ne serait-ce pas plutôt LD comme Louise DYER ?



***********************************************

Le 19 juillet 1884 Louise Berta Mossom SMITH nait dans une riche famille de Melbourne.
Elle est la fille de Louis Lawrence SMITH (L.L. SMITH), médecin et parlementaire reconnu à Melbourne et de Marion James HIGGINS, sa seconde femme.
Dès son jeune âge, Louise affiche deux passions : la Musique et la France.
Elle passe son enfance à MELBOURNE où elle effectuera ses études musicales et obtiendra son premier degré en piano. Par la suite, elle partira parfaire ses connaissances musicales en Angleterre où elle obtiendra la médaille d’or de la Royal Music Academy de Londres..
En ce qui concerne la France, elle a été très active à l’Alliance Française de Melbourne, dont elle a été présidente quelques années, elle militait activement pour la diffusion d’œuvres françaises.
Elle a, entre autre, monté “le Mariage Forcé” de MOLIERE sur une musique de LULLY à Sidney.
Elle organisait également des concerts essentiellement orientés musique ancienne et musique baroque.

A 27 ans, le 27 décembre 1911, Louise épouse James DYER de 25 ans son ainé. James DYER était un homme fortuné, bien installé, représentant de LINOLEUM pour l’Australie.
Il était également grand amateur de musique et mécène lui-même.
Après un voyage de noce sur le NIL, ils revinrent s’installer à Melbourne.


Louise B. M. DYER - Photo – collection Margarita HANSON.

Louise et James DYER, quittèrent Melbourne fin 1927 pour se rendre en Angleterre. Ils s’installèrent finalement à Paris en 1928.
Avant de quitter l’Australie, Louise a financé un certain nombre de projets philanthropiques, et a aidé à l’établissement d’un orchestre symphonique à Melbourne.

Mécène passionnée de musique, amoureuse de la France, Louise souhaitait faire quelque chose de sa vie et avait la volonté farouche de réaliser une Grande Œuvre qui lui surviverait.
Présidente d’honneur de l’alliance française de Victoria elle a toujours travaillé pour diffuser la pensée française dans son pays.
Dès son arrivée à Paris elle devient correspondante de presse d’un journal australien et se crée ce que l’on appellerait aujourd’hui un réseau, qui lui permet de s’inviter partout et d’avoir ses entrées partout, même à l’Elysées.
Au travers de ses articles elle s’efforce de faire partager la vie culturelle et musicale française qu’elle apprécie tellement.

C’est en 1932, qu’elle créa l’œuvre de sa vie, les Editions de l’OISEAU LYRE.
En tant qu’éditeur de musique, les éditions de l’OISEAU LYRE se consacraient à la publication de partitions, de livres et d’ouvrages musicaux.
Son domaine de prédilection : la publication de musiques anciennes d’œuvres du 13eme au 18eme siècle.
Les premiers travaux consistèrent à compléter des publications d’œuvres de LULLY et de quelques autres comptemporains, puis Louise s’attaqua à la publication des œuvres complètes de François COUPERIN dit “Le Grand” en 12 volumes.
Une édition qui fit date dans le domaine de l’édition musicale.
En janvier 1933, Louise écrivit un courrier, en français, au président de la république pour lui faire part de ses convictions et choix musicaux et de sa désolation que François COUPERIN ne soit pas plus populaire dans son propre pays. Dans ce courrier, elle demande au président de la république de bien vouloir honorer l’un des plus grands musiciens français : François COUPERIN qui, comme elle le dit si bien, faisait une musique exquise.
Cet ouvrage anthologique a été publié à l’occasion du bicentenaire (1933) de la mort de François COUPERIN. Il a fait et fait encore autorité en la matière.
Georges DUHAMEL écrira à cette occasion :
“Cette édition unit votre nom avec les plus grands noms de la musique française”.

Le premier exemplaire de cette édition des œuvres complètes de François COUPERIN en 12 volumes fut pour le président de la république française et l’exemplaire N°2 fut remis à la bibliothèque de Melbourne, sa ville natale.
Pour cette œuvre remarquable Louise sera décorée Chevalier de la Légion d’Honneur en 1934. Plus tard, en 1957, elle sera promue à l’ordre d’Officier de la Légion d’Honneur pour l’ensemble de sa carrière en reconnaissance de ses travaux pour la musique française.
Cette œuvre emblématique fera date dans les annales de la publication musicale et lui vaudra reconnaissance, respectabilité et consécration en tant qu’éditrice de musiques.

Elle devient une personnalité incontournable de la vie musicale et culturelle parisienne.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Sous une distinction et une élégance “so British” se cache une femme volontaire, désireuse de servir la musique.
Dans un courrier de 1937 adressé à un Général d'état ???, elle explique son plan qui n’est ni plus ni moins qu’un plan de propagande, comme elle le dit elle-même, pour faire connaitre la France et la pensée française.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Louise se sentait certainement plus française que beaucoup de femmes françaises par la naissance.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Les éditions de l’OISEAU LYRE publièrent également beaucoup d’œuvres d’autres contemporains de l’époque, RAMEAU, LOEILLET, de LALANDE, etc.
Pour la Musique anglaise elle mit à l’honneur PURCELL et sortit de l’oubli John BLOW.
En 1940 les Editions de l’Oiseau Lyre avaient publié quelques 40 volumes d’ouvrages musicaux.

En 1937, désireuse comme elle le dit elle même dans son courrier d'illustrer ses propres publications musicales, elle décide de passer à l'action et charge son conseillé en brevet et dépôt de marque de déposer la marque et le logo OISEAU LYRE pour le disque.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Et en 1938 elle fonda la maison de disques des éditions de l’OISEAU LYRE.
Dans un premier temps elle porta au disque essentiellement des œuvres dont elle détenait la publication.
Comme pour l’activité presse, Louise retient le ménure, de son Australie natale, comme logo.
Le logo de l’activité presse représente un ménure de face et pour l’édition de disques elle choisit un ménure de profil.
Par la suite il y aura un logo spécifique pour la stéréophonie constitué de 2 ménures de profil dos à dos.

Un courrier entre Louise DYER et le secrétaire de la société des concerts du conservatoire daté du 22 décembre 1937 nous éclaire sur le premier enregistrement dont le répertoire était composé d’œuvres de WEBER.
Année 1938, pour sa première année d’existence l’OISEAU LYRE édition de disques sort plusieurs enregistrements.
Il y a d’abord le disque de WEBER, puis, le 7 juillet 1938, l’enregistrement du LAUDATE DOMINUM de MOZART avec un ensemble de musiciens baptisé la Société Mozartsienne.
Du 7 au 21 octobre 1938 on enregistre aux studios PATHE.
Le 25 octobre a lieu l’enregistrement du DE PROFUNDIS de MOZART avec la chorale Félix RAUGEL et le 28 octobre c’est l’enregistrement de la symphonie concertante d’HAYDN avec 30 exécutants sous la direction de MUNCH.

En janvier 1939 l’Oiseau Lyre n’en n’est plus à son premier disque et Madame Louise B. M. DYER, qui était désireuse d’être reconnue comme une professionnelle, écrit au secrétaire de la société des Concerts du Conservatoire une lettre lui signifiant :

« J’ai de nombreux projets…
J’ai pris la résolution qu’étant maintenant éditeur de musique et éditeur de disques, je veux être traitée de la même façon que tous les autres éditeurs ».

Ce courrier faisait suite à certains abus de salaire de la part de musiciens profitant du bon cœur et de “l’amateurisme” de Madame DYER.

23 janvier 1939, l’OISEAU LYRE enregistre un répertoire de musique de chambre au studio PATHE sous la direction de M. FENDLER. L’ensemble orchestral est composé de 7 exécutants issus de la société des Concerts du Conservatoire.
Les 14 – 15 – 16 – 20 & 21 février 1939, on a réservé l’orchestre des concerts du conservatoire.
24 février 1939 l’OISEAU LYRE organise un concert salle GAVEAU.
Le 25 avril 1939 enregistrement aux studios PATHE avec l’Orchestre des Concerts du Conservatoire.

Dès le départ, la toute récente activité disques de l’OISEAU LYRE prend un essor important et vient, par le disque, en illustration sonore de l’édition papier.

James DYER mourut en janvier 1938 et Louise se remaria en avril 1939 avec Joseph Birch (Jeff) HANSON qui était alors professeur de civilisation française à Oxford.


Photo du permis de conduire délivré en France -Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Jeff Hanson passe une partie de son enfance et de sa jeunesse à Melbourne.
C’est à l’Université de Melbourne qu’il obtint son premier doctorat concernant la littérature française.
Il poursuit ensuite ses études en France, à la Sorbonne et obtient un second doctorat pour ses travaux sur le poète français Charles GUERIN.
C’est à Paris qu’il rencontre Louise.

En 1940, ça fait 2 années que l’OISEAU LYRE édite des disques.
La France est maintenant en guerre, ce qui met un coup de frein sérieux à l’activité de l’OISEAU LYRE.
Louise a quitté la France au début de la guerre et le couple HANSON s’installe à Oxford, au Balliol College, et y restera durant les années de guerre.
C’est de là-bas qu’ils pilotent leurs activités durant cette période.
Sur un manifeste de transport des années 40 on trouve un document de douane attestant du transport et de l’exportation, de la France vers l’Angleterre, “d’objets en étain gravé”, jolie périphrase pour désigner des matrices de disques en circulation entre la France et l’Angleterre.

A l’origine, l’OISEAU LYRE faisait réaliser ses gravures et les pressages de ses disques chez PATHE.
Le 10 mars 1940 un courrier de Louise DYER, suggère la possibilité d’augmenter le prix de vente des disques, pour lutter contre l’augmentation des prix de fabrication de PATHE.
Paul Jacques PLOIX, en charge des affaires de la rue de GRENELLE pendant ces années de guerre, donne son avis :

« Comme vous me l’avez demandé je vous donne mon avis, le coût des matrices a doublé chez PATHE depuis la fin 1939.
La matrice est passée de 1 400 F à 2 800 F.
Augmenter encore le prix des disques n’est pas forcément une bonne idée sachant que les disques l’OISEAU LYRE sont déjà les plus chers du marché.
- Le 33 tours 30 cm d’ANTHOLOGIE SONORE est vendu 42 F.
- Les 33 tours COLUMBIA & GRAMOPHONE sont à 40 F.
- Je suggère un prix unique de 35 F pour les 25 cm et de 45 F pour les 30 cm.

De plus P.J. PLOIX signale à Madame DYER qu’avec les événements, les prix à la consommation sont bloqués depuis septembre 1939 et qu’obtenir une dérogation pour pouvoir augmenter les prix est un parcours du combattant incertain.
Dans un courrier du 14 avril 1940, Madame DYER continue de se plaindre, auprès de Paul Jacques PLOIX, de la politique d’augmentation des prix chez PATHE et s’interroge sur la marche à suivre.
Ce à quoi Paul Jacques PLOIX répond :

« PATHE a vraiment trop augmenté les prix des tirages et des matrices mais il se sent fort n’ayant plus de concurrent en France.
Il n’existe plus que 2 presseurs en France : PATHE et POLYDOR qui est une maison allemande sous étiquette française. Comme la qualité POLYDOR est très inférieure, toutes les commandes vont chez PATHE et tous les beaux disques sont faits à CHATOU.

Fin avril 1940, P.J. PLOIX annonce à Madame DYER que suite à un réassort PATHE a confirmé qu’il faisait une remise de 20 % à l’OISEAU LYRE et qu’il n’obligeait pas à une commande avec quantité minimale de 500 pièces comme stipulé dans les contrats PATHE.
Encore mieux, en mai 1940 PATHE ramène, spécialement pour l’OISEAU LYRE, la quantité minimale à 50 exemplaires. P.J. PLOIX en profite pour passer une commande de réassort avec plusieurs références à 50 pièces.

Louise et Jeff HANSON reviennent en France à la fin de la guerre en 1945 mais délaissent rapidement Paris pour aller s’installer à Monaco.
A cette époque, le Paris de l’immédiat après-guerre n’offrait pas les conditions idéales pour travailler sereinement.
L’activité enregistrement de disques, qui avait été mis en veilleuse durant les années de conflit, reprend.

Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Si le fonds de commerce de Louise était en premier lieu la musique ancienne, elle ne négligea pas pour autant ses contemporains et travailla activement à la reconnaissance de jeunes compositeurs, dont Georges AURIC, Benjamin BRITTEN, Joseph CANTELOUBE, Gustav HOLST, Jacques IBERT, Vincent d'INDY, Charles KOECHLIN, Darius MILHAUD, Albert ROUSSEL et Henri SAUGUET.

Avant 1949, en l’absence de magnétophone, les disques étaient directement enregistrés en 78 tours.
Durant les dix premières années de l’activité disque des éditions de l’OISEAU LYRE Louise a travaillé avec des artistes peu connus à l’époque et enregistré des chefs comme Roger DESORMIERES et Victor DESARZENS et des instrumentistes comme, Isabelle NEF, Jean Pierre RAMPAL, Maurice ANDRE, Robert VEYRON LACROIX, et bien d’autres.

Les choses se poursuivent ainsi jusqu’à l’avènement du microsillon.

En 1949, André CHARLIN vient d’arrêter son activité cinéma.
Il a cédé tous ses brevets à PHILIPS et démarre une nouvelle carrière en se lançant dans l’enregistrement de disques et l’électroacoustique HiFi.
Il crée les Laboratoires CHARLIN et le CECE, Centre d’Enregistrement des Champs Elysées.

Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Le disque 78 tours était en “ballotage” avec le nouveau disque 33 tours qui gagnait du terrain.
On parlait déjà, et de plus en plus depuis quelques mois, d’une nouvelle invention développée par COLUMBIA aux Etats Unis qui permettait d’allonger les plages des disques.
Si nombre de maisons de disques considèrent au départ le Long Play comme un gadget venu d’Amérique, ce n’est pas l’avis de Louise qui attendait ça depuis longtemps : pouvoir loger au moins un mouvement symphonique complet sur une face sans être obligé de le “charcuter”.
Elle s’investit complètement dans la Longue Durée et se met à la recherche d’une société française susceptible de réaliser “la chose” en France. On lui recommande un ingénieur plein de talent qu’elle ne connait pas, et pour cause puisqu’à cette époque André CHARLIN n’était pas dans l’industrie du disque.
Le courant passe et on décide de travailler ensemble.
La collaboration entre André CHARLIN et l’OISEAU LYRE a débuté en 1949 à l’aube du microsillon.

Après avoir fait le tour de la question avec André CHARLIN, Louise s’embarque en septembre 1949 pour les Etats Unis pour voir de plus près cette fameuse invention. Elle embarque dans ses valises des matrices 78 tours qu’elle compte bien assembler en 33 tours Longue Durée.
Louise, qui attendait beaucoup de l’allongement des plages musicales des disques, a pris une part active dans le processus de fabrication du microsillon en France. André CHARLIN avait l’inventivité nécessaire mais ne pouvait y arriver seul. En ramenant des Etats Unis des outils spécifiques, burin et peut être tête de gravure, Louise a activement participé à la fabrication du microsillon en France.
La correspondance ne détaille pas les outils rapportés par Louise.
En revanche un peu plus tard, lors d’un séjour de Louise aux Etats Unis, André CHARLIN lui demande expressément de lui rapporter des burins pour son graveur.
De cette collaboration entre Louise DYER et André CHARLIN naitra le premier microsillon français qui verra le jour fin 1949.
Photo – collection Margarita HANSON.

C’est officiellement l’Apothéose de LULLY de COUPERIN le disque OL-LD 1.
Le lancement sera fait en grande pompe le 6 mars 1950 à 17H chez André CHARLIN au CECE 15, avenue Montaigne.
En fait, au dire d’André CHARLIN, le premier disque microsillon serait le disque OL LD 2 de chansons françaises.
Pour le lancement du microsillon, Louise a préféré le répertoire COUPERIN plus prestigieux qu’un disque piano/voix de mélodies françaises de CANTELOUBE interprété par Lucie DAULLENE, une chanteuse inconnue, de plus chanteuse de cabaret.

C’est ainsi que le deuxième disque est devenu le premier !
Une partie du disque de CANTELOUBE, est à coup sûr, partiellement issu de repiquage de 78 tours, Mais pas que ! Pour parler moderne.
Dans l’interview des années 80 André CHARLIN dit bien avoir enregistré Lucie DAULLENE et avoir réalisé la première gravure en microsillon.
Le disque OL-LD 1, l’apothéose de LULLY, est lui tout à fait concerné par le repiquage de documents 78 Tours. On peut dire que c’est la première gravure microsillon d’André CHARLIN, mais ce n’est pas pour autant un enregistrement de lui.

L’année 1949 correspond au début de l’utilisation du magnétophone dans l’industrie du disque. Avant l’avènement du magnétophone, le support unique était l’enregistrement sur disque en laque à la vitesse de 78 tours.
Avec le pas variable du microsillon, le magnétophone devenait un outil incontournable. Dans les archives on trouve des échanges entre André CHARLIN et Jeff HANSON concernant des repiquages de 78 tours sur bande afin d’en faire des vinyles Longue Durée.
Il est donc tout à fait certain que quelques vinyles LD soient issus de repiquage de 78 tours.
Le disque OL-LD 25 de l’offrande musicale de BACH par OBRADOUS est un ancien enregistrement du début des années 40 qui a été repiqué. Dans un courrier de février 1951 André CHARLIN écrit à Jeff HANSON que le résultat est très bon pour un repiquage.
Un autre disque, qui paraissait éminemment suspect, le disque OL-LD 10 Hippolyte & Aricie de RAMEAU par DESORMIERES, est bien pour sa part un nouvel enregistrement réalisé en 1950, tout juste 2 années avant la fin de carrière tragique du Maestro.
Pour résumer, on ne sait pas où sont passées les repiquages, mais on sait qu'il y en a eu. Ont-ils contribué à compléter des faces incomplètes, très certainement, ont-ils donné naissance à des vinyles complets ? Peut-ètre, mais ç’est moins sûr, et aujourd’hui, c’est trop tard, on ne saura jamais la vérité.

André CHARLIN dit bien qu’au début de son activité dans le disque, donc en 1949, le magnétophone “n’existait pas”. Assertion un brin exagérée qui n’est pas tout à fait exacte, mais il est certain que l’utilisation du magnétophone n’était pas encore très répandue et était alors très confidentielle.
Les magnétophones, sous la forme que l’on connait aujourd’hui, sont apparus en 1936 en Allemagne et ont été grandement utilisés pour la propagande Nazie.
Il fallu attendre 1945 et la fin de la guerre pour voir le magnétophone sortir des frontières de l'Allemagne. Au départ ils étaient, du moins au début, de qualité plus que moyenne. Ces problèmes de qualité ont marginalisé le magnétophone qui a eu du mal à détrôner l’enregistrement sur support disque.
C'est MULLIN, un militaire américain, qui fait main basse sur 2 exemplaires de machines AEG et les envoie en pièces détachées en Amérique. En 1948 AMPEX sort ses premiers magnétophones qui conquièrent rapidement le marché,... mais c'est une autre histoire.
La machine d’enregistrement d’André CHARLIN était un appareil “custom” réalisé à priori à partir d’une base AEG avec une électronique revisitée par lui-même. Sans répéter le scénario de MULLIN/AMPEX aux Etats Unis, il a construit en partie son magnétophone. Il est certain que, dans les milieux professionnels concernés, le magnétophone était à cette époque l’objet de beaucoup d’espoir.

1949 / 1950, Louise était très fière de clamer partout que l’OISEAU LYRE était le seul Label à disposer de son propre ingénieur du son qui était présent du début à la fin du processus, de l’enregistrement jusqu’au pressage.

Il y a tout lieu de croire que de 1949 à 1956/57 tous les enregistrements en référence OL-LD sont des disques issus d’enregistrements CHARLIN, à l’exception de quelques rares disques des années 49/50 qui auraient été issus d’anciens enregistrements 78 tours repiqués et gravés en microsillon par le CECE d’André CHARLIN.
Le choix de Louise d’enregistrer, graver et presser français était tout à fait délibéré. La société des disques de l’OISEAU LYRE était une société française qui enregistrait en France, gravait et pressait ses disques en France.

Pour bien comprendre ce qui se passait à l’époque, il faut remettre les choses dans leur contexte.
L’Europe n’existait pas encore et les échanges entre la France le Royaume Uni et les autres pays du monde étaient taxés.
Enregistrer un orchestre en France, faire exécuter la gravure et le pressage en France obligeait à exporter les disques finis vers les autres pays du monde. Disques qui étaient taxés à l’entrée dans les pays.
Faire réaliser la gravure et le pressage à Londres ne nécessitait que d’exporter la bande master ou une copie.
C’est certainement ce qui a conduit Louise, indépendamment de la notoriété, à travailler de front à Paris et à Londres.
Les enregistrements réalisés à Paris par André CHARLIN étaient gravés et pressés en France pour le marché français. La gravure était réalisée chez André CHARLIN au CECE et les pressages étaient réalisés chez PATHE MARCONI à Chatou.
Des copies des bandes originales étaient exportées à Londres en vue de la gravure et du pressage en Angleterre pour le reste du monde du fait d’accords entre l’OISEAU LYRE et DECCA.

En 1950, les 4 livres de pièces pour clavecin de F. COUPERIN étaient enregistrées par GERLIN. C’est-à-dire l’intégrale de la musique de clavecin de COUPERIN. Les critiques furent dans l’ensemble bonnes, voire excellentes.
Le critique de “l’Observer” considéra que c’était la meilleure œuvre pour clavecin parue depuis tous les temps. Le critique de “Gramophone” considéra que : c’était la première fois depuis COUPERIN lui-même que quelqu’un interprétait l’ensemble de ces pièces.
La revue “Disques” s’interrogea sur les tempi et sur le rythme rapide de production de ces enregistrements. Peut-être aurait-il mieux valu patienter quelque peu, entre la publication au disque des 4 livres, afin que l’interprète s’imprègne pleinement des musiques, plutôt que de tout enchaîner avec un rythme soutenu.
Dans les années 60 Louise était persuadée qu’il fallait reprendre l’intégrale COUPERIN avec une interprétation différente.

Du fait des difficultés d’importation, la matière vinylite utilisée en France laissait à désirer. La pâte étant de moins bonne qualité, la qualité des pressages s’en ressentait.
Les disques étaient plus épais et cassants et le bruit de fond élevé, comparé aux disques fabriqués en Angleterre ou aux Etats Unis.
C’est ainsi que suite à des critiques plutôt acerbes d’un journal anglais, Louise commença à se rallier à l’idée qu’il était urgent et nécessaire de faire quelque chose.
Louise aimait bien la France, mais il fallait prioritairement solutionner le problème technique. Faire plus international et un peu moins français ne pouvant être que bénéfique pour la renommée de l’OISEAU LYRE.
Louise décida en 1951 de faire appel au meilleur pour graver et presser ses disques : DECCA à Londres “The most technological advance in the domain”.

En ces temps-là, DECCA était une sorte d’Outsider relativement loin derrière les majors de l’époque, mais c’était sans compter sur l’inventivité et la capacité d’innovation de cette petite structure qui devint très vite reconnue internationalement.
DECCA était diffusé aux Etats Unis sous le nom de LONDON.

C’est ainsi qu’est apparu le double catalogue portant une référence française pour les gravures et pressages réalisés en France et une référence internationale pour les pressages anglais diffusés sous le nom de LONDON OISEAU LYRE dans les territoires concédés à DECCA.
En 1953, l’OISEAU LYRE signe un accord avec DECCA qui donne à DECCA, pour un certain nombre de territoires dans le monde, dont le Royaume Uni, les USA et de nombreux pays d’Europe, l’autorisation de presser et vendre les disques du catalogue l’OISEU LYRE en respectant le logo, la marque, etc.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Louise s’est réservée la France et a confié, pendant un certain temps, la distribution France à DUCRETET THOMSON.
Les disques de l’OISEAU LYRE poursuivent leurs enregistrements en France.
Du 16 au 21 octobre 1953, André CHARLIN enregistre Mlle Isabelle NEF.
La note manuscrite de Jeff Hanson datant de 1954 / 55 nous informe des différents projets en cours avec André CHARLIN :
- La passion selon St Matthieu
- La messe en Si
- Le Te Deum de Lalande


Stock & Land – Février 1954 - Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Courant juin 1955, Louise enregistra les pièces pour clavecin de RAMEAU par Ruggero GERLIN qui était tout à fait à son aise dans ce répertoire plus flamboyant que celui de COUPERIN.
Louise travailla ensuite sur le répertoire LULLY avec un musicologue Belge et avec Richard CUDWORTH.
C’est ainsi que le disque les “LULLISTES” vit le jour.

Dans le domaine de la musique d’orgue, Louise et Jeff (Joseph HANSON) travaillait avec John EGGINGTON qui avait déjà enregistré pour l’OISEAU LYRE sur les orgues de MEAUX et de POITIERS.
Pour le projet de récital BACH Toccatas et Fugues, ils avaient demandé au titulaire en titre Pierre COCHEREAU la possibilité d’enregistrer sur l’orgue de St ROCH, autorisation qui leur fut accordée gratuitement.
C’est à ce moment, en 1955, que Pierre COCHEREAU est nommé Organiste de Notre Dame de PARIS et suite à cette rencontre il accorda à l’OISEAU LYRE deux années d’exclusivité.
Louise souhaitait que Pierre COCHEREAU enregistre le répertoire Romantique, car il excellait dans ce registre, et de plus, l’orgue de Notre Dame, qui avait été restauré en 1868, était en excellent état et parfaitement adapté à ce genre de musique.
André CHARLIN fut sollicité pour les enregistrements à Notre Dame de Paris.
Ce fut un épisode assez mémorable car la réverbération de Notre Dame s’étant avérée être de l’ordre de 8 secondes, il fallut installer le microphone en suspension par un ensemble de cordage et poulies afin d’être situé à la bonne place et obtenir la bonne sonorité et la bonne atmosphère.
En premier lieu on enregistra la deuxième symphonie pour orgue de VIERNE. Ce fut une interprétation d’une telle justesse que la revue “Disques” commenta : “Peu d’interprète ont pénétré la musique de VIERNE avec autant d’amour et d’intelligence”.
On enregistra ensuite des œuvres de DUPRE, également créées pour l’orgue de ND.
Puis COCHEREAU abandonna la musique spécifiquement consacrée à l’orgue de ND pour enregistrer Fantasia de LISZT, puis les préludes et fugues de BACH.
Un critique de la revue “Disques” pas vraiment convaincu a jugé l’interprétation pesante, voire “très lourde”.
Ce fut ensuite les deux messes de Couperin qui furent enregistrées à Notre Dame de Paris par Pierre COCHEREAU.
Mais là, comme ce fut le cas pour GERLIN, la critique l’accusa d’une certaine rigidité et d’une lenteur des tempi.

1957 était l’année du tricentenaire de la naissance de Michel Richard de LALANDE.
Louise y vit tout de suite une opportunité intéressante et entreprit l‘enregistrement de “Musique pour les soupers du Roy” avec l’Orchestre de l’OISEAU LYRE et Pierre COLOMBO, enregistrement qui avait déjà été réalisé en 78 tours par le passé par DESORMIERES.
CUDWORTH pour sa part sélectionna une autre suite de Michel Richard de LALANDE, le “Concert de Trompettes pour les Fêtes sur le Canal de Versailles”, un antécédent à la “Water Music” de HANDEL.
Cette même année, André CHARLIN réalise le premier disque stéréophonique français pour l’OISEAU LYRE, il s’agit de la Cantate de BACH N° 147, le disque SOL 60027 (stéréo) - OL 50150 (mono).
L’enregistrement est réalisé à Paris, la gravure et le pressage sont réalisés à Londres chez DECCA.
Les Indes Galantes de RAMEAU avec l’Orchestre des concerts Lamoureux sous la direction de Louis de FROMENT sont également enregistrées par André CHARLIN en stéréo – SOL 60024 (Stéréo) – OL 50194 (Mono).

En 1957, suite à sa nomination au grade d’Officier de la légion d’honneur, elle est invitée à faire un discours durant lequel elle retrace ses quelques 25 ans des éditions de l’OISEAU LYRE.


Discours de Louise B. M. DYER de 1957 - Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Projet de pochette pour les cuivres royaux d’Angleterre OL LD 180 qui obtiendra un grand prix du disque 1959.


Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

Si la décennie 1949/59 a vu la grande majorité des enregistrements OISEAU LYRE réalisée en France par André CHARLIN, à partir des années 60, la roue tourne.
La collaboration avec les entreprises françaises connait un sérieux coup de frein début des années 60.
Louise était exaspérée du climat existant en France et voyait d’un mauvais œil qu’elle soit obligée d’importer ses propres disques avec des taxes allant jusqu’à 60%.
Décision fut prise d’arrêter les travaux en France et de tout réaliser, y compris les enregistrements en Angleterre chez DECCA.
Raymond WARE fut nommé coordinateur des travaux de l’OISEAU LYRE, poste qu’il assumera jusqu’à la reprise du catalogue de l’OISEAU LYRE en 1970.
Les quelques enregistrements réalisés en France, à partir des années 60, ne donneront pas lieu à des gravures et pressages français. Les bandes originales sont envoyées à Londres chez DECCA qui assure la gravure et le pressage pour le compte de l’OISEAU LYRE.
Les références typiquement françaises disparaissent du catalogue qui ne conserve que la numérotation internationale OL 50 XXX.
Toute la production des disques OISEAU LYRE est majoritairement réalisée, par DECCA à Londres, enregistrement, gravure, pressage et commercialisation.

Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

En se reportant aux archives, on peut dater le début des enregistrements en Grande Bretagne vers la fin 1957. L’ingénieur du son principal était James BURNETT, mais Louise se plaignait fréquemment que DECCA mettait des stagiaires aux manettes quand il s’agissait d’enregistrer pour l’OISEAU LYRE.
Elle n’appréciait pas non plus le fait que DECCA enregistre en stéréo avec un surcoût non négligeable.

The SUN – 1957 - Document archives de l’oiseau Lyre University of Melbourne.

En 1960, pas un “sou” des Etats Unis où historiquement L’OISEAU LYRE faisait des recettes importantes, leurs disques se vendant particulièrement bien là-bas.
Les disques mono ne se vendent plus. Les clients veulent de la stéréo.
L’introduction de la stéréophonie chamboulait tout !
Les disquaires avaient purement et simplement sorti les enregistrements mono des bacs afin de laisser la place aux tous nouveaux disques stéréo.
Louise comprit alors qu’il fallait faire quelque-chose.
Les clients voulaient de la stéréophonie… On va leur en donner !
Elle prit la décision de radier de nombreux enregistrements mono de son catalogue et d’enregistrer désormais en stéréo.
Dans l’immédiat et pour parer au plus pressé, on fait le tour des bandes mères et matrices disponibles afin de proposer un certain nombre d’enregistrement éligible à la “Stéréophonisation”… pouah que c’est laid ! Mais il faut bien vivre.

Il semblerait que l’une des dernières collaborations André CHARLIN – l’OISEAU LYRE fut l’enregistrement des symphonies 88 et 100 d’HAYDN, à Lyon avec Alain LOMBARD. Enregistrement qui fut loin de répondre aux attentes et qui posa de graves problèmes de gravure à DECCA qui, lors d’un courrier en avril 1965, considéra l’enregistrement comme raté.

Cette situation explique que parmi les disques imputables à André CHARLIN il n’y a que peu d’enregistrements stéréophoniques.
André CHARLIN disait lui-même : « A partir des années 60 mes clients me mirent au pain sec ».
C’est suite à cette situation qu’il décida de créer son propre label en 1962.

Louise meurt le 9 novembre 1962 à Monaco.

JB HANSON dira de l’activité de Louise :
« Tout ce qu’elle faisait était d’une extrême élégance avec comme idée majeure de résister au temps. On ne pensait pas à l’effet ; néanmoins c’était magnifique. »
On utilise les plus beaux papiers filigranés aux motifs de l’oiseau lyre, on fait travailler les meilleurs artisans pour obtenir les plus belles reliures… ces éditions limitées étaient d’une très grande beauté.

En reconnaissance de ses travaux pour la musique française, Louise fut décorée Chevallier de la Légion d’Honneur en 1934 et en 1957 obtint la distinction d’Officier de la Légion d’Honneur.
Ses cendres ont été rapatriées en Australie et reposent au Melbourne General Cemetery.

Louise n’ayant jamais eu d’héritier, elle a légué, à sa mort, la somme de 240 000 £ (de 1962) à l’université de MELBOURNE, ce qui lui a apportée la reconnaissance et la création de la fondation.