Couple stéréophonique & stéréo compatible.
Avant d'entrer dans des détails techniques, voyons ce qu'André CHARLIN nous disait à ce sujet.
Disque stéréophonique.
Les disques LP sont fabriqués par pressage à partir d’un “stamper” ou matrice et d’un “petit pois” de PVC.
Avant d’arriver à la presse, l’enregistrement original a réalisé un vrai parcours du combattant,
la gravure étant l'étape clef intervenant après la prise de son et la “masterisation”, s’il y a lieu.
La gravure est réalisée sur un disque avec une âme aluminium recouvert de laque ou d’acétate qui fournira un père par galvanoplastie, puis une mère et enfin le “stamper” qui sera utilisé dans la presse.
La gravure est une phase éminemment importante du processus de fabrication d'un disque dont dépend la qualité du LP final.
Le sillon d’un disque renferme des informations contenant des fréquences allant de 20 Hz à 20 KHz (dans l’absolu). Les basses fréquences ayant une énergie plus importante que les hautes fréquences la gravure de la laque doit tenir compte d’énergies très variées susceptibles de produire des amplitudes très importantes et des amplitudes très faibles.
Dans ces conditions, sans même parler de microsillon, les capacités de suivi de la tête de lecture doivent être phénoménales. Pour limiter l’excursion du sillon dans des limites raisonnables, on a donc réduit les basses fréquences qui ont de l’énergie à revendre.
Les hautes fréquences ne fournissant que peu d’énergie ne générent que des informations de faible amplitude.
On a donc globalement intérêt à augmenter le niveau des sons aigus de manière à graver une amplitude suffisamment importante pour être précise et permettre de se démarquer du niveau du bruit.
DECCA, entre-autre, avait dès 1945 fait la démonstration de l’intérêt de la préaccentuation avec le procédé FFRR, et mis en évidence que le fait d’augmenter les hautes fréquences à la gravure permettait d’obtenir une meilleure réponse dans l’aigu et une réduction du bruit de fond.
Le message sonore envoyé au graveur est donc pré-accentué de manière à réduire les basses fréquences et augmenter les fréquences élevées.
Dans ces conditions, l’amplitude du sillon n’est que peu sujet aux variations de fréquences et presque uniquement sensible aux variations d’amplitude du son.
Bien entendu pour obtenir un résultat correct et conforme à l’original il faut relire le disque avec une correction inverse de celle utilisée à la gravure.
La courbe RIAA a été normalisée en 1954.
Tous les étages phono depuis des décennies intègrent cette correction.
Le disque Longue Durée.
Le disque Longue Durée est un microsillon à pas variable.
Le pas variable tient compte du fait que le sillon est peu modulé lorsque l’intensité sonore est faible et plus fortement modulé lorsque l’intensité sonore augmente.
L’amplitude latérale est réduite quand la modulation est faible, ce qui permet de resserrer le pas des spires alors que quand l’amplitude augmente avec la modulation, on augmente le pas de manière à avoir plus de place entre spires afin de pouvoir graver un débattement latéral plus important.
En résumé, les sillons peu modulés sont serrés alors que les sillons fortement modulés sont espacés pour éviter toute interférence entre spires.
Différents types de gravure.
Les disques monophoniques, qui ne disposent que d’une information musicale unique, sont gravés en latéral.
C’est ainsi depuis 1887, date à laquelle E. Berliner a présenté le Gramophone.
Seuls Pathé et quelques autres dont Brunswick ont tenté la gravure verticale mais ce procédé a été abandonné dès 1920.
Les disques stéréo, qui reproduisent 2 informations simultanées, le canal gauche et le canal droit, sont gravés selon une technique 45° / 45° sur les 2 flancs du sillon avec un procédé combinant gravure verticale et gravure latérale.
document ORTOFON
La gravure d’un enregistrement en “vraie stéréophonie” peut provoquer d’importantes différences voie droite / voie gauche qui ont pour effet de générer une amplitude verticale importante.
Un disque de ce type, enregistré en “vraie stéréophonie”, ne peut pas être lu sur un appareil monophonique dont la tête de lecture ne peut lire que la composante latérale du message gravé dans le sillon et est incapable de reproduire l’information de la composante verticale.
Pire, la cellule ne disposant d’aucune souplesse dans le domaine vertical va raboter les variations verticales du sillon détruisant ainsi le disque stéréophonique.
Pour éviter ces désagréments, il faut que le disque soit “stéréo compatible”.
Compatibilité & stéréophonie.
Qu’est-ce qu’un disque “stéréo compatible” ?
C’est un disque dont l’amplitude de la composante verticale est contrôlée et maintenue dans des limites “raisonnables”.
Comment limiter l’amplitude verticale d’un disque stéréophonique ?
Dans le cas d’un enregistrement monophonique, les deux canaux droit et gauche ont une modulation identique, ne produisant que des informations latérales lors de la gravure.
La longueur d’onde des basses fréquences est telle que le son arrive presque en même temps et pratiquement au même niveau simultanément à nos deux oreilles avec une absence de directivité, proche d’une information mono.
Le peu de directivité des sons graves inférieur à 500 Hz permet donc de les considérer comme des sons pratiquement monophoniques.
En réduisant l’effet stéréo des sons graves, qui disposent d’une grande énergie, on peut ainsi éviter les conflits de gravure verticale.
Schématiquement, pour obtenir une gravure “stéréo compatible” il suffit que le bas du spectre soit enregistré en mono… ou presque.
Pour un couple de microphones coïncident qui n’offre aucune différence de temps ni de phase entre les microphones, c’est facile et naturel.
Pour les captations avec des microphones espacés, ou un nombre important de microphones, c’est une autre histoire.
Il faut alors corréler les phases et réduire les différences en dessous de 500 Hz / 1000Hz par égalisation électronique.
La tête artificielle d’André CHARLIN est un procédé “near coincident” avec un faible écart entre les microphones qui de ce fait minimise les variations de phase dans les basses fréquences.
On peut donc considérer que la tête artificielle fournit des enregistrements naturellement “stéréo compatible” sans nécessiter d’égalisation complémentaire.
Mention “stéréo compatible”
La mention “stéréo compatible” ne signifie pas que le rendu sonore sera bon en écoute monophonique.
Cette mention signifie simplement que vous pouvez lire ce disque sur un appareil mono sans l’endommager.
En ce qui concerne le rendu sonore, c’est une autre affaire.
En effet, c’est essentiellement la phase qui donne à la scène sonore son ampleur, sa largeur, profondeur, spatialisation et localisation des instruments.
Il y a peu de chances qu’un “bon” disque stéréophonique offrant une large scène sonore étendue et profonde puisse être “bon” en écoute monophonique.
Comment enregistrer un son en stéréophonie ?
Il faut au moins 2 microphones pour obtenir une captation stéréophonique.
L’image de la scène sonore enregistrée dépendra du type de microphones utilisés et de la technique de prise de son mise en œuvre.
En ne considérant que la prise de son à 2 microphones, il existe 2 principes fondamentaux :
"La stéréophonie par intensité et la stéréophonie par phase".
- La stéréophonie par intensité est obtenue par variation de l’amplitude de l’onde sonore entre les 2 microphones, en fonction de la localisation de la source.
- La stéréophonie par phase est obtenue par la différence de temps que met l’onde sonore à atteindre respectivement les 2 microphones.
- Enfin, un troisième procédé combinant les deux précédents est également exploitable.
Ces 3 procédés de prise de son correspondent aux situations microphoniques suivantes :
- Paire coïncidente
- Paire espacée
- Paire “near coincident” qui est une situation de coïncidence “espacée modérément”.
Les autres paramètres importants sont :
- L’écart entre les microphones (la distance séparant les 2 microphones)
- L’angle entre les microphones
- La directivité des microphones
Il faut encore tenir compte de la distance et de la hauteur des microphones par rapport à la source sonore à enregistrer.
En règle générale, les microphones omnidirectionnels ont un meilleur rendu dans les graves que leurs homologues cardioïdes et apportent plus d’ambiance et d’atmosphère.
En atmosphère bruyante il y a lieu de limiter la capture des sons d’ambiance et de faire appel à des microphones unidirectionnel de type cardioïde.
Une paire coïncidente travaille uniquement en amplitude. Il n’y a pas d’information de différence de temps puisque les 2 microphones sont atteints exactement au même moment.
Avec cette technique la scène sonore est assez peu étendue mais la compatibilité mono est excellente.
Un couple de microphones espacés fournira une scène sonore plus large avec le risque d’obtenir un “trou” entre les 2 hauts parleurs si l’espacement est exagéré. Dans cette configuration les écarts de phase sont importants fournissant une bonne localisation et une bonne étendue de l’atmosphère sonore mais une mauvaise écoute mono du fait des annulations de phase.
Période & longueur d'onde
Pour mieux comprendre l’influence de la différence de temps et /ou de la distance il faut tenir compte de la longueur d’onde et de la période des sons en fonction de la fréquence.
Plus un son est haut, plus courte est sa longueur d’onde et sa période.
Relation fréquence longueur d’onde et période en fonction de diverses fréquences.
(En conditions idéales : 20°c et vitesse du son de 343 m/s).
Information complémentaire d’importance pour comprendre l’intérêt de ce tableau :
- Nos oreilles sont espacées de 13,5 cm (écartement moyen)
Ce tableau nous permet facilement d’imaginer que les sons au-dessus de 2,5 KHz se comporteront d’une manière différente vis à vis de nos 2 oreilles que ceux situés en dessous.
A 20 Hz, les 13,5 cm d’écartement de nos 2 oreilles interviennent pour quantité négligeable par rapport à la longueur d’onde de 17,15 m, soit une différence de trajet inférieure à 1 % ou 0,4 ms dans le cas où la source sonore se trouverait totalement à l’extrémité droite ou gauche de la scène sonore.
Même si la source n’est pas centrée, l’écart de trajet étant infime par rapport à la longueur d’onde, il n’est pas vraiment possible de situer l’origine du son qui n’a donc pas de réelle directivité.
La scène sonore, dans le cas d’un orchestre symphonique par exemple, est généralement contenu dans un angle de l’ordre de 50 à 60° par rapport à l’auditeur et dans ces conditions la différence de trajet pour les sons graves inférieur à 500 Hz est tellement faible qu’elle devient imperceptible.
En revanche, à 5 KHz l’écart de nos deux oreilles représentent 2 périodes et permet donc une bonne discrimination des sons et de ce fait une bonne localisation.
La tête artificielle
La tête artificielle d’André CHARLIN est un système de captation “near coincident” avec un “obstacle” de séparation entre les 2 microphones.
L’obstacle, quel qu’il soit, a pour but de recréer “l’ombre” ou le masquage de la tête entre nos deux oreilles.
Il a fallu 2 / 3 ans à André CHARLIN pour mettre au point sa tête artificielle et commencer à obtenir des résultats convaincants.
Après de nombreux tests la tête fut utilisée pour la première fois en Belgique pour un enregistrement d’orgue dans une église.
Les résultats étant bons, le premier enregistrement commercial réalisé avec la tête artificielle fut le disque “Les 5 Russes” en 1954 avec l’orchestre symphonique du théâtre des Champs Élysées et le Chef Somogyi à la baguette.
Cet enregistrement a été réalisé à l’origine pour le compte de Ducretet Thomson et a été publié en mono.
Par la suite, il profite du désengagement de Ducretet et de la cession du catalogue Ducretet Thomson à Pathé Marconi (EMI) pour reprendre certains de ses enregistrements qu’il publie alors en stéréophonie sous la référence SLC de son propre catalogue.
(SLC pour SéLeCtion des meilleurs enregistrements).
C'est en 1962 que CHARLIN décide de créer son propre label : Disques André CHARLIN
La tête artificielle a évolué au cours du temps. Amélioration du revêtement, changement des microphones, etc.
Des têtes artificielles, on en trouve aujourd'hui un certain nombre sur le marché.
Certaines sont même des copies de tête humaine genre tête de mannequin.
Une autre approche consiste à utiliser une sphère.
André CHARLIN disait que ça n’avait aucun sens de reproduire une tête humaine, l’important était de mettre un “obstacle” acoustiquement abouti entre les deux oreilles de manière qu’un son décentré frappe une oreille alors que l’autre est dans l’ombre de la tête.
La tête artificielle est un dispositif hautement acoustique dont le revêtement lui confère les propriétés de réflexion et d’absorption proches d’une tête humaine, la forme important peu car les microphones font un tout autre travail que nos deux oreilles.
Généralement les enregistrements de type binaural sont destinés à une écoute au casque.
Le système d’André CHARLIN a été mis au point pour une écoute sur hauts parleurs et c’était là toute une partie du challenge.
En tant que procédé de captation “near coincident”, la tête CHARLIN travaille essentiellement en stéréo de phase due à la différence de temps. “L’obstacle” entre les microphones permet de respecter l’effet de masque de la tête en fonction de la localisation de la source.
Comme se plaisait à le dire André CHARLIN : Dieu nous a fait avec deux oreilles et une tête entre les deux. La meilleure méthode pour enregistrer est de faire la même chose.
Positionnons les deux microphones de part et d’autre d’une tête artificielle.
C’était l’idée de départ qu’il a concrétisé après plusieurs années de travail.
Les microphones de la tête artificielle sont de directivité omnidirectionnelle. Ce n’est pas une surprise dans le sens où les microphones étant affleurant à une surface sont, de toute manière, omnidirectionnels puisque l’onde arrière est inexistante.
L’avantage des microphones omnidirectionnels est la réponse sans atténuation du registre grave et la captation de l’atmosphère d’ambiance.
Du fait de la “tête”, la réponse dans l’aigu est moins régulière et nécessite une égalisation appropriée, surtout dans le cas d’un rendu sur hauts parleurs.
Comme nous l’avons déjà dit précédemment, la tête artificielle d’André CHARLIN étant un procédé “near coincident” avec un faible écart entre les microphones ne pose pas de problèmes de phase dans les basses fréquences.
On peut donc considérer que la tête artificielle fournit des enregistrements naturellement “stéréo compatible” sans nécessiter de correction complémentaire.
La réduction mono est cependant peu convaincante et c’est bien normal puisque c’est un procédé de stéréo par phase et différence de temps qui est utilisé.
L’indicateur de phase d’un enregistrement oscille autour du zéro avec de fréquentes excursions en et hors phase, ce qui signifie une belle image stéréophonique et une pauvre réduction monophonique… mais il faut savoir ce que l’on veut !
Note & équation technique
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