LES 10 VIES DU NAGRA III

Voici un panorama des 11 machines produites entre 1958 et 1968, date d'arrêt de la fabrication du NAGRA III.

Si la platine mécanique n'a que très peu évolué en 10 années de fabrication, c'est pour la simple raison que tout avait été prévu dès l'origine.
D'une machine à l'autre il y a pourtant des améliorations constantes



DIX ANNEES de NAGRA III

Le NAGRA III a révolutionné le monde de l’enregistrement portable en permettant aux ingénieurs du son de réaliser des enregistrements autonomes de qualité voisine du studio sans besoin d’alimentation en énergie et sans la necessité d'utiliser un matériel encombrant.
La NAGRA III était un appareil ingénieux, robuste et très bien conçu.
Stefan KUDELSKI se plaisait à dire qu’en réalisant des équipements robustes et fiables qui ne tombent pas en panne on pouvait, en grande partie, se passer d’un service SAV qui était un département coûteux pour pas grand-chose.

Quand KUDELSKI s'est attelé au NAGRA III, il avait déjà une solide expérience de 8 années au service des enregistreurs portables. C'est donc tout naturellement que le NAGRA III a bénéficié de l’expérience de ses ainés (NAGRA I, NAGRA II et NAGRA IIC).

La conception remarquable de l'appareil explique le peu de grosses modifications apportées durant les 10 années de son existence.
L’accessibilité complète tant à la mécanique qu’à la partie électronique était vraiment une idée novatrice et appréciable en matière de maintenance et d’entretien.
La platine, support des têtes et la mécanique de défilement, n’ont pratiquement pas évolué. La plus importante modification a concerné le montage des têtes et le guidage de la bande mais là encore, après la deuxième année de fabrication, on en était arrivé à la configuration définitive qui n’évoluera plus jusqu’à la fin de vie du modèle.



Platine supérieure de NAGRA III


1958, première année de la commercialisation du NAGRA III.
La partie mécanique supérieure de l’appareil articulée par charnière, pour permettre l’ouverture totale du coffret, était à l’origine constituée d’un cerclage en aluminium et non pas d’une pièce de fonderie comme ce fut le cas par la suite à partir de 1960.
Sur les modèles 1958 / 1959 la platine en aluminium usiné est montée sur des cornières elles-mêmes vissées, avec un joint d’étanchéité, sur un cerclage aluminium. Sur le cerclage sont montées la charnière de gauche assemblant la platine mécanique à la partie inférieure de la caisse de l’appareil et la charnière arrière qui permet l’articulation du couvercle.
Sur le côté droit, la fermeture du coffret est assurée par deux pièces en alu, l’une solidaire du cerclage et l’autre de la caisse, qui sont verrouillées par une vis.



Caisse de NAGRA III
Ici une caisse de 1962 fabriquée à PAUDEX.


A partir de 1960, la partie mécanique supérieure voit la platine vissée sur une pièce de fonderie et non plus sur des cornières et un cerclage.
Le joint d’étanchéité devient un joint plat entre la platine et la pièce de fonderie supérieure.

Une autre modification, d’ordre général, concerne la gravure des différents boutons de commande.
à partir de 1961, la gravure évoluera un peu, sans grande révolution, vers des caractères de taille supérieure.


Fermeture du coffret.


NAGRA III de l'année 1958 - Première année de la fabrication du NAGRA III.
Ici le modèle N° 5834, soit le 34eme NAGRA III sorti de l'usine.


La peinture du modèle 1958 est gris anthracite sombre et mat, un peu genre Nextel.
Dès le modèle 1959 le NAGRA III prendra la couleur gris clair martelé qui l’accompagnera jusqu’à la fin de sa fabrication.


Le traitement de surface de la platine 1958 est du plus bel effet avec un aspect marbré mais cèdera rapidement la place à un brossage plus conventionnel pour le reste de la série.


La platine est gravée PRILLY LAUSANNE et la face avant est sérigraphiée KUDELSKI PRILLY LAUSANNE SUISSE.
Le capot plastique est plat.


Le bouton poussoir d’avance rapide est particulier. La tête d’effacement est très étroite.
C’est le support des têtes qui assure le guidage de la bande. Le système de fermeture du boitier, sur la droite, est constitué de 2 pièces aluminium assemblées par une vis.
Les douilles de la sortie monitor, MONITORING OUTPUT, sont à un écartement différent de celui d’une prise de courant.


Les stroboscopes des galets mobiles côté débiteur, sont constitués de petits trous concentriques forés dans la partie supérieure de la pièce et emplis de peinture noire. Par la suite le stroboscope sera constitué d’une pièce sérigraphiée découpée à l’emporte-pièce et rapportée sur le galet.


L'intérieur d'un modèle 1958. Tout y est, à part un capotage moteur intervenu ultérieurement.


Les modèles 1958 et 1959 sont très voisins.
La platine de 1958


La platine du modèle 1959


Modèle 1959 Numéro 222


NAGRA III - 1960


La Platine du modèle 1960


Modification de la partie supérieure du châssis par une pièce de fonderie et abandon du cerclage aluminium.
Modification du support de tête et apparition des guides bande de part et d'autre des têtes.
Réserve pour une tête supplémentaire.
Nouvelle tête d'effacement.



Les stroboscopes abandonnent le perçage individuel au profit d’une couronne découpée et rapportée.
Changement du poussoir d’avance rapide.
Les pièces de fermeture de la caisse sont simplifiées.
Le capot plat cède la place à un capot qui prend le relief des bobines.

NAGRA III - Version 1961
Pus d’un millier de NAGRA III ont déjà été fabriqués.

En façade, les douilles de MONITORING OUTPUT adoptent un écartement prise de courant standard.

Changement de gravure des boutons et organe de commande.


NAGRA III - 1962
L’année de la synchronisation cinéma, le NEO PILOTON.


La Platine du modèle 1962


Le NAGRA III n’est plus qu’un simple enregistreur radio mais devient un enregistreur utilisable pour le cinéma.
PERFECTONE avait déjà sorti son modèle EPA 6 synchrone et le marché du cinéma échappait à KUDELSKI.

KUDELSKI se faisait tirer l’oreille pour intégrer la synchronisation pour le cinéma arguant que le procédé existant n’était pas fiable, ce qui n’était pas faux.

Avec la synchronisation les modèles cinéma sont dotés d'équipements complémentaires : connecteur Tuchel male 6 broches d’accès au signal synchro, trèfle synchro sur la face avant et la quatrième tête.

Apparition sur la face avant, entre les 2 potentiomètres, du bouton “Tone - niveau de reférence", qui est encore anonyme à cette époque.


L’usine se déplace à PAUDEX VAUD. Les platines sont gravées PAUDEX VAUD et la sérigraphie de la face avant affiche : KUDELSKI PAUDEX VAUD SUISSE.


NAGRA III - 1964


Monitoring avant/après enregistrement.
Apparition du bouton poussoir BA entre le sélecteur de mode et le potentiomètre d’entrée micro.
Sur ces premiers modèles, les lettres BA ne font pas partie de la sérigraphie et sont rajoutées par gravure sur la face avant.


La variation de vitesse est incorporée à l’appareil.
Un nouveau connecteur fait son apparition sur le flanc gauche à côté du sélecteur de vitesse.


NAGRA III - 1965


Changement de la tête d’effacement pour une tête ferrite.


NAGRA III - 1966


NAGRA III - 1967


La mention BA de la face avant est intégrée à la sérigraphie.
Les derniers modèles de la série 1967 sont équipés du nouveau modulomètre qui équipera la version de l’année 1968.

NAGRA III - 1968


Nouveau modulomètre.
Dernière série de NAGRA III.
Ici, un NAGRA III de 1968 avec son SLO - système de synchronisation pour le cinéma.


1968, arrêt de la fabrication du NAGRA III qui aura comblé nombre d’ingénieurs du son pendant 10 années.
KUDELSKI décide de sortir un appareil encore plus performant tout silicium : le NAGRA IV qui deviendra rapidement le NAGRA 4, sauf pour les versions stéréophoniques qui conserveront l’identification en chiffre romain toute leur vie.

On ne saura jamais exactement combien de NAGRA III ont été fabriqués mais on peut tabler sur une quantité de 15 à 20 000 unités. Quand on posait la question à Stefan KUDELSKI, il aimait répondre : C’est déjà du passé, tournons-nous plutôt vers l’avenir.
Le dernier modèle que je possède est le N° : BH 68 13928, un modèle radio de 1968.

J’ai pu constater en répertoriant des NAGRA III qui me sont passés entre les mains qu’il y a eu un conflit dans la numérotation dans les années 65/66.
1965 - (NP 65) 6053 H-- (NP 65) 7562 H-- (NP 65) 7623
1966 - (NPO H 66) 7605 -(HPO 66) 8021 -(PHO 66) 8366

Courant 1965 on voit passer le N° 7623 alors que courant 66 on trouve le N° 7605 qui est un numéro inférieur !
Est-ce que le N° 7623 est la fin de la série 65 et le numéro 7605 le début de la série 66 ? Difficile à dire. On ne sait pas combien d’appareils ont été “touchés” par ce problème de numérotation.
Quand on pose la question à l’usine, on nous répond qu’à l’époque les machines étaient répertoriées de manière manuscrite dans des cahiers et que ces cahiers sont aujourd’hui certainement quelque part… à la cave… ou ailleurs et qu’il est impensable de reconstituer la carrière complète du NAGRA III.



A partir de 1968, le NAGRA III est remplacé par un modèle tout silicium : le NAGRA IV et le NAGRA 4.2.
La série des NAGRA IV proposera aussi un modèle stéréophonique : le NAGRA IV S.